Jacinthe Loranger
Home staging, modernités, charmes et sortilèges
Du 9 septembre au 14 octobre 2017
Vernissage le samedi 9 septembre 2017 dès 15h
Le travail de Jacinthe Loranger nous offre des mondes alternatifs, dont la curiosité provient d’un mélange entre des indices du réel et des éléments d’une mythologie inventée. Convoquant des références hétéroclites issues de la culture populaire, de la mode, du design et de l'ésotérisme, elle développe une esthétique singulière qui emprunte largement au kitsch. Non sans une touche de dérision, elle aborde les enjeux d’une société basée sur la consommation, dont l’apparente opulence de ses icônes prévaut sur leur réelle profondeur. À travers ce langage pictural développé depuis plusieurs années, l’artiste poursuit également ses recherches autour du potentiel de l’art imprimé dans une forme installative.
Dans sa pratique, l’imprimé est une matière malléable qui prend forme dans la tridimensionnalité. Ses sculptures et bas-reliefs façonnés en papier mâché faits à partir de sérigraphies se manifestent dans une palette de couleurs éclatante. Ses œuvres permettent de révéler l’imprimé dans un statut ambivalent, entre la précarité de son support papier, et son potentiel plastique une fois déployé dans l’espace. C’est ensuite par le biais de l’installation que la salle d’exposition devient le théâtre d’un assemblage improbable d’objets, de créatures et de symboles. Cet effet de mise en scène est d’ailleurs central dans Home staging, modernités, charmes et sortilèges. L’aspect bricolé et fait main rappelle l’idée d’un décor, construit pour accueillir le déroulement d’une fiction. L’ambiance dramatique est accentuée par l’éclairage et par la présence imposante du mur peint en noir. L’ensemble est donc disposé de manière à créer une scène, un tableau, dans lequel le spectateur pourra se projeter grâce aux grands miroirs apposés sur l’un des murs. Ainsi reflété, le spectateur devient partie prenante de la situation.
L’installation Home staging, modernités, charmes et sortilèges se présente comme une incursion dans un univers dont la facticité se révèle séduisante. Étalages de cristaux chatoyants, tapis d’inspiration perse, statue de chien recouverte de feuille d'or se juxtaposent dans cet espace insolite qui évoque une étrange boutique, à mi-chemin entre le bazar, le magasin de luxe et le kiosque ésotérique. L’aspect théâtral de l’installation sert donc également à approfondir la réflexion de l’artiste sur la société contemporaine. En effet, elle puise notamment son inspiration dans des tactiques utilisées pour la mise en marché d’objets de consommation. Ainsi, elle donne un aspect à la fois précieux et clinquant à des objets qui pourraient tout aussi bien n’apparaître que banals. Mais malgré le côté attirant et ludique qui se dégage de prime abord, une étrangeté s’installe alors que l’on remarque de subtils décalages. Les bas-reliefs qui devraient n’être que de réconfortantes scènes de genre laissent voir des chats au regard trouble, les motifs du tapis luxueux s’avèrent représenter des animaux nuisibles et au centre de la pièce siège un yéti, archétype d’un mythe populaire qui recèle sa part d’abomination. À tout prendre, la superposition du critique et du fantastique donne le potentiel à cette installation de provoquer autant de questionnements que de fascination.
Emmanuelle Choquette
Directrice générale
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Jacinthe Loranger vit et travaille à Montréal. Sa pratique s’articule autour de la sérigraphie et se déploie sous différentes formes telles l'installation, la fabrication d'objets et de collage. Elle a récemment pris part à plusieurs résidences d’artistes et expositions à travers le Canada. Au court de la dernière année elle a notamment présenté les expositions On se revoit dans l’oubli à Engramme (Québec) Bananapocalypse Now! 2 à ODD, (Dawson City), ainsi que Ceux qui ont connu un armageddon savent sûrement qu’il ne vaut mieux ne pas en créer un autre à la Galerie B 312 (Montréal).
Crédit photo : DPM