The Margin Maker / Un tas de marge
Pascaline Knight et Max Lupo
Du 14 septembre au 21 octobre 2023, vernissage le jeudi 14 septembre dès 17h
The Margin Maker / Un tas de marge
La plupart du temps, dans un cahier ou sur une feuille lignée standard, un trait vertical divise la surface en deux types d’espaces ; là où s’écrivent le texte, puis la marge. D’emblée, une certaine hiérarchie s’établit entre ces deux zones. La marge sert généralement aux corrections, aux commentaires ou à des notes, subordonnés à la proposition principale. Cette manière conventionnelle de structurer la page agit nécessairement sur la construction même de nos pensées et notre façon de les organiser dans un texte. Mais que se passe-t-il lorsque nous nous affranchissons d’un cadre rigide ? Le corps du texte peut-il déborder des lignes ? Le contenu de la marge peut-il prendre corps à l’extérieur de cette dernière ?
Pascaline Knight et Max Lupo transposent ces questionnements dans la salle d’exposition avec leurs automates générateurs de dessins. Les machines bougent très lentement, leur trajectoire est à peine perceptible. Le dispositif fonctionne, il accomplit la tâche pour laquelle il a été conçu ; tracer inlassablement des marges concentriques sur une feuille. En choisissant la circularité, les artistes en appellent à des formes et des mouvements qui s’éloignent des configurations traditionnelles de l’écriture. Ils brouillent complètement les limites habituelles de la page et évoquent une pensée non linéaire.
Par ailleurs, en concevant une machine dont le seul objectif est de tourner en rond, Knight et Lupo pointent, non sans humour, l’omniprésence et la surabondance de la technologie dans nos vies. Dans notre recherche constante d’efficacité, notre réflexe est souvent de se tourner vers elle pour nous appuyer. Or, ce soutien devient parfois si important que l’on en vient à perdre en autonomie. Le théoricien Marshall McLuhan nous fait d’ailleurs remarquer que chaque extension de l’être humain, surtout technologique, provoque également une amputation. Cette perte peut en être une d’habileté, mais l’on peut aussi la réfléchir en termes de connexion. Car les avancées technologiques qui rythment notre quotidien participent certainement à notre retrait, de plus en plus marqué, de la nature et de notre environnement.
Les lignes imprimées sur le papier sont la seule preuve de la productivité de la machine. Comme une assistante dans l’atelier, elle attend d’être assignée à un travail, puis s’exécute. Elle ne remet pas en question l’utilité de sa fonction. Ici, elle agit comme une prolongation du geste de l’artiste. À la fin de chaque séance, elle aura fabriqué un tas de marges, mais elle aura aussi gravé le processus dans le temps. Malgré la constance, les traces irrégulières, d’épaisseur et d’intensité variables, laissent voir les erreurs et les limites du mécanisme et nous ramènent à l’importance du geste humain, dans ce qu’il a d’imprécis et de vivant.
- Texte d'exposition d’Emmanuelle Choquette
Pascaline Knight utilise des procédés de gravure, de dessin, d'écriture, de microédition, d'animation stop-motion en insérant son corps dans ses installations pour révéler les interstices de l'être. Jusqu'à récemment, elle utilisait l'emblématique Cahier Canada, utilisé à l'école primaire pour l'apprentissage de l'écriture.
Titulaire d'un Baccalauréat en arts visuels de l'Université Concordia (1996), elle obtient sa maîtrise en art, médias et design interdisciplinaires à l'Université OCAD (2017). Son travail a été exposé au Canada et à l’international, notamment dans les foires d’édition Tirage Limité à Lausanne et Toronto Art Books Fair (2019), ainsi qu’en solo à Open Studio (Toronto, 2019). Elle est récipiendaire d’une résidence de recherche du CALQ (Basel, 2019), d’une micro-résidence dans les archives d’Artexte (Montréal, 2019), et a été soutenue par le CAC lors de résidences à Agalab (Amsterdam, 2018) et au Kala Arts Institute (Berkeley, 2020). Ses livres peuvent être consultés à la bibliothèque de livres rares Thomas Fisher, à la bibliothèque de l'Université York à Toronto, à la BAnQ à Québec et au Musée Cantonal de Lausanne.
Max Lupo est un artiste multimédia travaillant en Ontario, qui fabrique des inventions parfois curieuses et étranges. À travers sa pratique, il cherche à trouver du sens dans les processus, de la valeur dans la traduction et de la créativité dans les choses incongrues et dans tout ce qui est mis de côté. En 2017, Max a obtenu une Maîtrise en arts visuels d’OCADU dans le programme Art, Média et Design Interdisciplinaire.
Max a participé à plusieurs expositions, notamment en solo au Georgian College’s Campus Gallery, ainsi qu’à la galerie VERSO, située sur la rue Queen Street West à Toronto. De plus, il travaille en tant que chargé de cours au Georgian College et comme bibliothécaire communautaire pour Innisfil ideaLAB & Library.
Crédit photo : Jean-Michaël Seminaro
The Margin Maker / Un tas de marge
Is the margin impassable? It structures the page, certainly, acting as a guide for our hand while we scribble our notes or, as children, learn to write cursive. Pascaline Knight’s long-standing interest in the Hilroy Canada Exercise Book, manufactured in Mississauga, Ontario and a staple in Canadian classrooms for decades, is transformed through collaboration with Max Lupo into a tripartite meditation on space, time, and the body—and the ways in which our corporatized nation state enacts order on all three. Indeed, one becomes marginal when they are unable to follow ‘acceptable’ socio-cultural margins. If structural forces (judicial, educational, familial, political) orient citizens, pointing them in particular directions by imposing lines of thinking as well as parameters of movement, Knight and Lupo’s Margin Maker (2020-ongoing) reminds us that there is not only a rhythm to writing, but a rhythm to the margin, also. When its glitches, errors, and failures are made felt, or visible, the margin becomes porous, a liminal space, or impasse, that asks us to become attentive to small changes—to see possibility in ordinary life.
While Hilroy’s margin might direct our hand and eye, asking us to circle back to the ‘proper’ spot, the rub is that nothing truly repeats itself. The margin may not move, but we do. So, too, with the Margin Maker, which circles round and round, revealing slight variations in its wake. Spatial shifts, changes in temperature, bodies in near or far proximity all affect its trajectory. The machine plays with the repetition that is found in our everyday, demonstrating the subversive potential posed by interjecting small, slowed movements into the moments we make. If, as Henri Lefebvre insists, the everyday straddles two types of repetition—the cyclical, which leaves room for variation, and the linear, which is associated with our ‘rational’ working lives and therefore does not—the Margin Maker makes visible the moment the margin’s linearity is curved; as the row of pens cycle towards their beginning it becomes apparent that there is, indeed, variation in this repetitious gesture. The Maker’s action thus begs the question: where, or what, is the proper spot now?
To say that the margin is “impassable” is not to suggest that one can never cross it; rather, this sentiment acknowledges the fact that margins structure our existence, their perceived impassability a warning not to stray outside the ‘normative’ lines. And yet, the margin as an impasse is not simply a place where bodies are kept watching and waiting; rather, it is “a holding station that doesn’t hold securely,” a liminal space that “marks a delay that demands activity.” Many kinds of activities exist in the impasse, mostly because the impasse forces us to attune to the world differently: tearing at the fabric of the present, it makes the past felt through hauntings and spectres; most importantly, it makes us aware, in the words of Kathleen Stewart, of “the unspeakable sadness of being abandoned, in the end, by the world you have made matter in a life achieved.” It is these impasse rhythms—those “gaps the eye cannot perceive”—that people and objects enter into, and which create the movement necessary to cross the line.
- Exhibition text "Margin of Error" by Justine Kohleal
Pascaline Knight uses printmaking, drawing, writing, micro-publishing, stop-motion animation processes by inserting her body in her installations to reveal the interstices of being. Until recently, she used the emblematic Cahier Canada notebook which is used in primary school to learn to write.
Knight holds a Studio Arts Bachelor from Concordia University (1996). She obtained her MFA in Interdisciplinary Media Art and Design at OCAD University (2017). She has exhibited nationally and internationally, in self-publishing art book fairs such as Tirage Limité in Lausanne and Toronto Art Book Fair (2019), as well as in a solo exhibition at Open Studio (Toronto, 2019). She was awarded a research residency grant from the CALQ (Basel, 2019), a micro-residency where she activated the archive of Artexte (Montreal, 2019) and received the support of the CAC for residencies at Agalab (Amsterdam, 2018) and at Kala Arts Institute (Berkeley, 2020). Her books can be consulted at the Thomas Fisher Rare Book Library, The York University Library in Toronto, the BAnQ in Quebec and the Musée Cantonal de Lausanne.
Max Lupo is a multimedia artist who constructs odd inventions. Working in Ontario, his practice strives to find meaning in process, value in translation, and creativity in discarded or incongruous things. In 2017, Max graduated from OCADU's Interdisciplinary Art, Media and Design program with an MFA.
Max has actively sought out many exhibition opportunities, including solo exhibitions in Georgian College's Campus Gallery, as well as the gallery VERSO, on Toronto's Queen Street West. Additionally, he works as an educator at Georgian College, and is the Community Librarian for the Innisfil ideaLAB & Library.
Photo credit: Jean-Michaël Seminaro
Crédit photo : Jean-Michaël Seminaro
Mots-clés: Exposition,, Arts visuels,, Arprim,, Livre d'artiste, Arts imprimés